vendredi 24 février 2012

Leer Brust... Volume II

Son corps brûlant coulait sur le mien, ses cheveux glissant sur mes mains alors que nous nous accouplions pour une énième fois. Sa gestuelle, terriblement sensuelle semblait venir du Paradis lui même. Ou peut-être même de l'Enfer, car sa peau ardente me faisait penser à celle d'une Succube. Je sentais ses doigts sur chaque centimètres de mon épiderme, ne laissant pas de place à l'inconnu. Mes cris de plaisir me rendaient sourd alors que je sentais l'orgasme monter en moi. Soudain, sortant de nulle part, j'aperçus une lueur métallisée entre les mains de Katrin qui venaient de quitter brutalement mon corps. Je n'eus pas le temps de souffrir que la lame rentra alors dans ma chair, traversant mon c½ur de toute part. Un sourire machiavélique fendait son visage autrefois si doux, alors qu'un liquide rouge sombre sortait de son tatouage, coulant le long de ses seins, et je pris peur alors que je rendais mon dernier souffle...


Mes yeux s'ouvrirent douloureusement, m'extirpant avec mal de ce cauchemar qui devenait habituel depuis ces deux derniers mois. Une courageuse goutte de sueur quitta mon cuir chevelu pour traverser mon front, terminant son périple contre mon sourcil. Cela faisait maintenant huit longues semaines que mon amour avait quitté le nid, et mes nuits commencèrent à devenir mouvementées. Je ne pouvais pas me retenir d'en vouloir à Katrin pour m'avoir quitté de la sorte. J'étais tombé amoureux d'une lâche, mais compte tenu de mon propre passé, il fallait bien que le destin se retourne contre moi. J'avais trop joué avec les femmes, et maintenant celles-ci se vengeaient et riaient de moi. Elles se foutaient de mon pathétisme et elles avaient bien raison.


Le centre-ville de Schwerin m'accueillait bien volontiers alors que j'arpentais ses rues, tel un fantôme. Je regardais à la va-vite les quelques vitrines qui se voulaient attirantes et je ne pouvais pas m'empêcher de rire de ces âneries. Je ne savais même pas ce que je foutais ici. Pour tout dire, mes pas m'ont poussé à sortir de ma torpeur, alors que je me trouvais bien dans mon salon. Il faisait froid, et une fine couche de neige recouvrait le trottoir et le toit de quelques voitures qui avaient été prises prisonnières des intempéries. Mes pieds étaient gelés et se plaignaient alors que je ressentais avec joie cette douleur, j'étais un peu sadomasochiste.
Je marchais encore et toujours, croisant quelques courageux ou insouciants comme moi, alors que mes pensées revinrent encore une fois vers Katrin. Je me souviendrais à jamais du mal que j'avais ressenti à la lecture de cette lettre. Jamais aucune femme ne m'avait fait verser une larme pour elle, mais j'en avais bien versé un seau pour Katrin. Je ne pouvais même pas dire ce qui m'avait le plus brisé. Son départ subit ou simplement le fait qu'elle ne me faisait toujours pas confiance, même après trois années passées ensembles.
Pour l'enfant, je ne savais pas trop quoi penser. Je n'en voulais pas, ça c'était clair, mais je n'avais pas le droit de refuser ce privilège à Katrin. Si moi j'avais déjà assez de gamins, elle n'en n'avait aucun. J'avais été égoïste de lui dire que j'étais trop vieux pour ça, et j'avais bien vu la douleur passer dans son regard, mais j'avais intentionnellement oublié ce détail pour mieux vivre. Hors, je me voilais la face, l'évidence était bien devant mes yeux, mais je refusais de la voir. J'avais simplement peur. Peur qu'elle ne puisse plus assez m'aimer quand cet enfant aura vu le jour, peur qu'elle ne puisse tout simplement pas partager son amour. Pourtant, au plus profond de moi, je m'imaginais déjà le reste de ma vie avec elle, une ribambelle de marmots courant, criant et jouant dans la maison...
Ah, un banc, et si je prenais une pause dans ma ballade inutile ? D'un vif geste de la main, je dégageai le bois de la neige qui l'encombrait, et m'assis. Comme à mon habitude, je sortis mon téléphone de ma poche, et regarda l'écran sans grand enthousiasme. Et comme à mon habitude, mon palpitant menaça de me lâcher lorsque je vis la fameuse petite enveloppe en haut, à droite de l'écran. Cela faisait déjà deux mois que j'espérais avoir un signe d'elle mais rien, jamais rien !


Un correspondant à tenté de vous joindre. Rappelez le bla bla bla...


Toujours de l'espoir, je portai mon portable à mon oreille et écoutai le message vocal. Mon c½ur battait la chamade à un point douloureux, mais lorsque j'entendis la voix fluette de ma fille Nele, je fus malheureusement soulagé de tout bonheur.
Une ombre vint cacher mon mince rayon de soleil et je levai les yeux pour voir l'intrus. Une femme, brune, plutôt belle, me souriait. J'eus d'abord la sensation qu'elle dérangeait mon intimité et l'envie de la renvoyer sur les roses traversa mon esprit, mais je me désistai, lui souriant à mon tour, tout en cachant mon mal-être. Se sentant apparemment en confiance, elle vint s'asseoir à côté de moi, et je ne pus m'empêcher de sentir son parfum qui me vint jusqu'aux narines. Elle sentait bon, mais elle n'était rien comparé à ma Katrin.


"Excusez-moi...Vous...Vous être Till Lindemann ?"


Bien vu... Je soupirai et hochai la tête. Pourquoi fallait-il que l'on me reconnaisse alors que j'avais juste envie qu'on me laisse tranquille. Mon apparence imposante n'impressionnait même plus les personnes les plus peureuses, fallait croire. Cependant, elle parut enchantée, et je fus effrayé que son calme ne se transforme en fanatisme. Je n'avais pas besoin de ça.


"Vous n'avez pas l'air dans votre assiette.


Je la regardai d'un ½il sévère. Je n'avais aucunement ni l'envie, ni le besoin d'avoir une pseudo psychologue pour me montrer que je n'allais pas bien.


-En quoi cela vous regarde ?


Ma réponse sembla la blesser, mais je ne me radoucissais pas pour autant. Elle ouvrit la bouche, puis la referma, et le temps d'une seconde, je crus voir Katrin en face de moi, lorsqu'elle ne savait quoi répondre à une attaque de ma part. Mais généralement, elle ne tardait jamais à écrire une réflexion cinglante en retour, ce que cette étrangère ne fit pas.
Ses paupières se plissèrent, et elle sembla réfléchir. Cependant, elle remua la tête et se leva, visiblement irritée par ma froideur. Elle fit un pas pour s'éloigner de moi, quand elle échappa un bout de papier sur le sol enneigé. Je le lui fis remarquer, et elle se retourna subitement, et posa ses yeux sur ce qu'elle avait laissé tomber. Puis elle se pencha pour le ramasser. Je n'avais même pas pensé à le faire à sa place, ce que tout homme galant aurait fait. Mais la vue qui s'offrit à moi me fit courir à ma perte. Son décolleté à la poitrine généreuse se dévoilait lorsque son foulard tomba lui aussi à terre, et quelque chose de longuement endormi s'éveilla de nouveau en moi.
Soudain, j'entendis un homme parler.


"Vous voulez boire un coup avec moi ?"


Je fus cependant surpris que cet homme ait la même voix que moi, mais je fus encore plus étonné de voir que cette femme me regardait, un sourire plus que ravi aux lèvre, et me répondit oui.
Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvions dans un bar, quasiment vide, et j'en étais plutôt heureux. Je regardais avec envie ses lèvres roses se poser délicatement sur le bord du verre, alors que j'avais à peine entamé le mien. J'appris dans la conversation que cette femme s'appelait Selen, mais je ris intérieurement, sachant pertinemment que j'allais oublier ce prénom d'ici quelques heures.


"Et toi Till. Qu'est ce que tu faisais tout seul sur ce banc ?


Elle me sortit de ma torpeur, et je dus réfléchir à une réponse. Cependant, et contre ma volonté, je restai sur la défensive, et répondit d'un ton sec mais calme :


-Ça ne te regarde absolument pas.


Elle balbutia des paroles incompréhensibles, son regard me lançant par la même occasion des éclairs et je compris que je l'avais encore blessée.


-Excuse-moi. J'avais juste besoin de respirer un peu, c'est tout.


Selen sembla soulagée et me sourit. Je me demandais alors ce que je foutais là, avec une étrangère. Je savais que sa poitrine avait éveillé un certain désir en moi, mais maintenant je commençai à me poser des questions. J'étais certes redevenu célibataire depuis le départ de Katrin, mais en regardant cette femme, je me sentis honteux, ayant tout simplement la sensation de tromper la femme que j'aimais.
Je dus réagir vivement lorsque je vis la bouche de cette Selen se rapprocher des miennes. Pourtant, ma main se posa sur sa hanche, la rapprochant de moi. Mon esprit me tourmentait, et je dus subir les réprimandes de ma conscience. Je ne pouvais pas faire ça à Katrin, ça non.
Les lèvres de l'étrangère vinrent se poser sur les miennes, et je ne réagis pas, ne rendant même pas le baiser. Je voyais le visage de mon amour, et lorsque je rouvris les yeux, je vis en face de moi une créature immonde qui me souriait. Tout à coup, elle ne me semblait plus du tout attirante, et par réflexe, je la repoussai violemment, son dos heurtant le comptoir du bar.
Je quittai d'un pas rapide cet endroit, sous les insultes du gérant, voulant à tout prix fuir ma propre erreur...




Enfin de retour chez moi, j'ouvris avec plaisir mon vieux calepin et mon stylo fétiche. Il fallait que j'extériorise mon mal-être dans un poème. Les mots, à peine nés de mon esprit torturé, sortirent de ma plume sans même y réfléchir. Je me plongeai à corps perdu dans mon écrit, puis ce fut au bout de quelques minutes seulement que j'écrivis le titre : "Leer Brust".


Je marchai le long de la rivière, sifflotant un air que j'avais composé autrefois. Au bout de ma main se tenait une divine créature. Un tatouage dégoutant attira mon regard. En effet, sa poitrine semblait être ouverte, une plaie béante libérait la place d'un c½ur absent. Je me surpris à lui demander la signification de ce dessin, et cette femme ouvrit la bouche, parlant d'une voix claire.


"On m'a volé mon coeur."


Puis, une sonnerie de téléphone. Je regardai la femme, son visage me paraissait pourtant familier. Elle secoua la tête, et je compris alors que j'étais la personne qui attendait un appel. Je cherchai dans ma poche sans rien trouver, alors que la sonnerie se faisait de plus en plus assourdissante, et lorsque je relevai la tête, une vision d'horreur, cette femme s'était jetée dans la rivière, sa robe blanche formant une bulle insaisissable autour d'elle...


Mais mon téléphone continuait de sonner.


J'ouvris alors les yeux, me réveillant en sueur de ce rêve traumatisant. Je me levai précipitamment, ne me souciant même pas de ma nudité alors que ma maison s'était refroidie, et décrochai.


"Monsieur Lindemann ?


-Oui c'est moi.


-Service des soins intensifs de l'hôpital de Schwerin - mon c½ur se mit à battre, prêt à s'arrêter à tout moment - Une patiente à demandé à vous joindre.


Putain de palpitant, il ne pouvait pas se calmer lui ? La voix tremblante, je lui demandais le nom de la personne.


-Katrin Belias.




Je rentrai en trombe dans l'hôpital, des personnes me regardaient d'un sale ½il, mais si je m'arrêtais pour leur expliquer, je leur aurais tous pété la gueule. Je me répétais le numéro de la chambre...207...207...207... Hors, lorsque je fus devant la porte, je me figeai, la réalisation m'explosant au visage. Je ne m'étais même pas préparé à la revoir, encore moins dans son état actuel. J'avais peur. Mais je tournai la poignée, et les secondes me parurent des heures. Comme dans un rêve, j'avais l'impression de faire du surplace, alors que mes pas me guidaient automatiquement vers elle. Puis je levai les yeux et mon c½ur eut un raté. Étendue sur un lit, Katrin me regardait faiblement. Elle esquissa un sourire et je repoussai de toutes mes forces une larme qui venait de faire son apparition dans mon orbite. Je ne bougeais pas, mais elle me fit signe d'avancer, et je me sentis coupable de l'effort qu'elle venait de faire. Je la rejoignis, une émotion grandissante que j'essayais tant bien que mal de dissimuler. Mais Katrin vit clair en moi, elle posa sa main froide sur la mienne, brulante, et je frémis à ce contact.
Soudain, son expression changea du tout au tout, et dans un effort certain, elle prit ma main et la plaqua avec force sur son ventre. Je ne sentais rien. Et là était le problème. Je compris au bout de quelques minutes, et malgré toute ma volonté, je ne pus empêcher une larme de s'écouler sur ma joue.


Je m'étais imaginé nombre de retrouvailles avec elle, toutes aussi belles et puissantes les une que les autres, mais jamais je ne m'étais mis en tête de la retrouver grâce à un malheur. J'appris quelques minutes plus tard, par un médecin apparemment trop pressé pour répondre à toutes mes questions, que Katrin avait chuté dans un escalier. Elle avait dévalé deux étages en roulant, faisant perdre l'enfant qu'elle portait. Une colère monta en moi, et pour une raison encore inconnue, j'eus envie de cogner ce médecin qui me regardait comme si j'étais un guignol.


Je caressais amoureusement les cheveux de ma compagne. Elle dormait, et j'imprimais cette image en moi. Elle paraissait en paix, rien ne semblait l'atteindre. Soudain, elle grimaça et se tordit, comme étant possédée. Je me relevai et me coucha à ses côtés, prenant son corps dans mes bras imposants. Elle se calma aussitôt et j'embrassai le haut de sa tête. Elle devait être au courant... Une mère devait sentir quand la vie qu'elle portait l'avait quittée. Perdu dans mes pensées, je ne vis pas qu'elle s'était réveillée. Sans ses yeux s'afficha une détresse sans nom et j'aurais tout donné pour la subir à sa place. Elle me suppliait du regard, mais je ne savais quoi faire. Alors, dans un geste désespéré, je me penchai, et déposai un baiser sur ses lèvres. Aussi curieux que cela puisse paraitre, je la sentis se reposer dans ce baiser, je l'avais apaisée. Mais lorsque je me retirai, elle ouvrit la bouche et me posa une question silencieuse. Son regard et sa main droite descendirent sur son ventre, alors que des larmes coulaient le long de sa joue, et, d'une voix sûre cette fois-ci, je répondis à sa sourde requête :


"Je te ramène chez nous, et nous ferons tout pour en avoir encore..."

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